Regarder
J’aime me glisser dans les méandres secrets des ruisseaux de Tronçais et y observer le sable blond tapissé de pierres précieuses, agate, albâtre, jaspe laiteux, ambre couleur de miel, onyx blond, l’éclat d’un rubis, d’obscures transparences et une onde limpide aux ombres mouvantes. Les feuilles, couleur de vieux cuirs, y frémissent dans le courant sous le soleil d’hiver, enchassées dans une fine pellicule de glace où scintillent des blancs immaculés ourlés de bleu d’un cobalt très pur. A travers les obstacles de débris végétaux accumulés, tout en nuances de bruns mordorés jusqu’aux noirs profonds des grès chargés de tanins, bouillonne en cascades le chaudron de Saturne, celui où s’affrontent les éléments de la création. Les berges, d’argiles blanches aux lits ponctués d’oranges vifs ou de terres vertes bleutées, qui ruissellent parfois de sang vermeil ou de lits gris de cendres, y prennent des allures de falaises abruptes que perce un faisceau de fines tentacules d’un noir moiré de bleu.
J’aime observer les bûches fendues de vieux bois. La fibre et ses éclats d’émeraude ou de blanc crayeux y dessinent les vastes horizons de haute montagne au petit matin, l’étrangeté des roches, la grotte de Circé.
Peindre
Emporter mon butin de traces. L’engranger comme un trésor secret. Puis peindre : pratique d’alchimiste arrachée au bien-être de la contemplation, pérégrination ascétique à travers le langage de la peinture dans un espace hors du rationnel, musical.
Se confronter, chemin de vagabond, après avoir tout oublié, au support immaculé de la toile par la pratique aventureuse de techniques élaborées. Choisir des gammes, architecturer les espaces, jouer avec les opacités ou les transparences. Poser une ultime note de couleur ?
Retrouver l’équilibre et la lumière, déjouer le temps, lui extraire sa mémoire, se retrouver. JYB


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